
Portrait de Riquer à 21 ans.

Riquer, portrait de jeunesse.

Riquer, portrait à sa maturité.
|
Biographie:
Naissance et premières années:
Alexandre de Riquer,
est né à Calaf (La Segarra, Catalogne) le 3 mai 1.856. Son père Martí de Riquer, marquis de Benavent, - un typique
exemple de la noblesse conservatrice
du pays - et sa mère Elisea Ynglada, perdirent leur patrimoine pour des
raisons politiques.
Alexandre de Riquer est l'un des artistes les plus importants et polyvalents artistes de
l'Art Nouveau Catalan.
Il réalisa ses premières études à l'École Jésuite de Manresa (1864-1867)
Les
conséquences des
guerres
carlistes:
En raison du climat politique qui suivit la défaite des carlistes,
son père, partisan du roi Don Carlos, sera obligé de s'exiler à Béziers
(Languedoc) où le jeune Alexandre est inscrit à l'école de l'Immaculée
Conception de 1869 à 187 1.
Sa vocation artistique, héritée de sa mère, commence à se faire jour à
Béziers, et il peint ses premières huiles.
Il prend part brièvement à la guerre carliste en 1872 et retourne en France,
à l’ l'École des Beaux Arts de Toulouse dont il suit
l’enseignement en 1873 et 1874. Ici, Riquer peint ses premiers portraits.
Premières activités:
En avril 1874, il peut retourner à Barcelone et s'inscrit à l'école
de Beaux Arts de la Llotja où il reçoit les enseignements artistiques de
Tomàs Padró, Claudi Lorenzale et Antoni Caba. À cette époque, il commence à
développer sa vocation littéraire dont nous trouvons la première
manifestation dans son poème "Notes de l'âme".
En 1876, à vingt ans, il entame ses premiers travaux d'illustrateur et de
dessinateur de lithographies.
Son amitié avec Apel·les Mestres l'introduit dans le monde des publications.
Riquer collabore aussi dans l'illustration graphique. Grâce à ce premier
contact, il élargit son cercle
d'amitiés à d'autres artistes comme les frères Arteaga, Joaquim Bartrina,
Pompeu Gener, Enric Obiols, Simó Gómez et d'autres.
Il voyage à Rome en 1879 pour compléter ses études de Beaux Arts et en
profite pour visiter Pise, Florence, Gênes,
Milan et Venise. A la suite, il se rend à Paris et Londres, ville dans
laquelle il entre en contact avec le mouvement Arts and Crafts et avec l'Aesthetic
Movement sur les principes desquels il basera son style.
Ses difficultés financières le contraignent à accélérer son activité
créative qu’il consacre en 1880 aux excellentes illustrations pour la
collection "Art et lettres" que dirige
Lluís Domènech i Montaner, et dans lesquelles nous trouvons une
esthétique pré-moderniste où l'influence d'Apel·les Mestres est évidente. On
y remarque également certaines influences du style néo-gothique de
Violet-le-Duc.
Appartiennent aussi à cette époque ses
dessins de bijoux pour les frères Masriera, ainsi que des dessins pour
la
décoration d'intérieurs, des meubles, des cartes d'invitation pour
événements sociaux, de la décoration en style japonais - japonisme -, etc..
En 1882 il a un atelier dans le grenier de la "Pâtisserie Mallorquina", rue
Petritxol à Barcelone.

Premier mariage et maturité:
Il se marie en 1885 avec Dolors Palau Gonzalez de Quijano (Lolita),
fille d’une famille cultivée et distinguée. Le mariage est béni par Jacint
Verdaguer, les parrains étant Àngel Guimerà et Francesc Matheu. De cette
union naîtront neuf fils dont trois mourront en bas âge.
Riquer a travaillé avec Lluís Domènech i Montaner pour l'Exposition
Universelle de Barcelone de 1888, en réalisant la décoration intérieure de
l'Hôtel International (démoli après l'exposition) et la conception des
motifs céramiques extérieurs du "Castell dels tres dragons" (Château des
trois dragons). À cette époque appartient aussi le dessin d'un foyer de
style néo gothique qu'il a réalisé pour
Gaudí pour le
Palau Güell.
L'Exposition Universelle de Paris de 1889 a été l'occasion pour Riquer de
porter son attention sur les Pré-Raphaélites et sur le mouvement symboliste
qui, bien que manifestant une certaine continuité, sont à l'origine d'une
rénovation de son style qualifiée de "mystico-bucolique" par
Raimon Casellas. Ceci est visible dans ses peintures Entre lliris
(1890), Divina Pastora (1893) et
Annonciation (1893).
En 1892, il fonde avec son cousin Manel de Riquer un atelier d'ébénisterie
et de décoration au 38 rue Pau Claris à Barcelone.
Contacts
dans d'autres pays européens:
Pendant un voyage à Londres en 1894, Riquer trouve l'atmosphère
artistique qui correspond à ses désirs et à ses aspirations. Les
Pré-Raphaélites, Burne-Jones en particulier, ainsi que William Morris et le
mouvement Arts and Crafts, lui offrent, avec un médiévalisme renouvelé, des
approches artistiques qui lui permettent de faire évoluer son œuvre vers un
modèle beaucoup plus stylisé et d'une grande sophistication.
Sa femme Lolita meurt en 1899, ce qui le plonge dans une mélancolie profonde
et l'oblige à se consacrer entièrement à ses fils encore très jeunes.
Il retourne à Londres en 1906 comme Représentant de la section anglaise de
l'Exposition des Beaux Arts de Barcelone de
1907, ce qui nous confirme l'influence et les contacts qu'il avait dans ce
pays.
En même temps que l’assimilation des critères esthétiques des Arts and
Crafts, il se tourne vers les différents
arts et techniques, non seulement dans un but de réalisations artistiques et
artisanales, mais aussi dans une perspective qui permettait de concilier
l'amélioration de l’esthétique et la production industrielle. C'est ainsi
que les moyens modernes de reproduction artistique -
affiches,
ex-libris,
illustrations et gravures
- deviendront son activité favorite.
Dans le cadre de l'ex-libris, par exemple, Riquer a réalisé un travail
énorme avec des phases bien différenciées. Sa production dans ce cadre entre
1880 et 1903 est réunie dans le livre "Ex-libris
d'Alexandre de Riquer" publié en 1903 presque simultanément à Barcelone
et à Leipzig (Allemagne). Ce livre fut financé par le comte Leiningen-Westerburg
(ce qui nous donne une idée de la notoriété internationale de sa production
d'ex-libris à cette époque) et préfacé par Miquel Utrillo.
Politique et religion:

Sur le plan politique, et comme on pouvait
s'y attendre suite à son adhesion précoce et énergique à la cause carliste,
Riquer a toujours entretenu une position catalaniste, socialement
conservatrice et profondément religieuse. Sous l'influence de Domènech i
Montaner, il s'affilia au parti "Lliga de Catalunya" (Parti Catalaniste
conservateur).
Ses profondes convictions religieuses l'ont poussé très vite (dès qu'un de
ses fondateurs -
Joan Llimona
- le lui a proposé) au Cercle Artistic de Sant Lluc, un important centre de
diffusion de la morale catholique traditionnelle dans l'art - dont
l'activité se poursuit aujourd'hui -, en prenant part à ses expositions
biennales.
Riquer l’artiste le plus multidisciplinaire de l'Art
Nouveau catalan:
En
1896, Riquer réalise la première affiche catalane moderne pour l'Exposition
Arts et Industries organisée par la Mairie de Barcelone. Postérieurement,
entre cette date et 1902, il dessine encore une autre vingtaine d'affiches.
Riquer a développé à partir de 1880 d'importants travaux de décoration en
offrant ainsi à l'Art Nouveau Catalan une contribution décisive dans ce
cadre, comme il l'avait fait dans d'autres.
La peinture décorative et la conception de décorations d'intérieurs sont des
activités auxquelles Riquer a consacré une énergie considérable, souvent en
collaboration avec d'autres artistes et artisans comme Gaspar Homar et
Granell, en incorporant dans des éléments de conception très raffinés le
bois, le métal, l'émail et d'autres matériaux. Il a aussi réalisé des
dessins de mosaïques pour la firme
Escofet.
Autres domaines dans lesquels les conceptions de Riquer ont été largement
reconnues, outre ceux déjà cités : le
dessin et réalisation d’étendards pour des organismes culturels et
politiques, le
dessin de mobilier, d'éléments décoratifs divers comme des lampes, des
candélabres, des
vitraux artistiques, des
jeux de cartes pour les entreprises Comas et Guarro.
Partout où il a vécu, Riquer a développé une relation intense avec les
artistes et les groupes culturels locaux. Outre les artistes et les
représentants du monde culturel déjà cités, il a été en rapport avec le
groupe "des Quatre Gats" auquel prenaient part aussi
Rusiñol, Casas,
Puig i Cadafalch et d'autres nombreux artistes.
À Terrassa, il a connu le peintre Joaquim Vancells. À Palma de Mallorca, il
était en rapport avec des artistes et les milieux culturels.
Maître
des arts appliqués, il a montré des aptitudes multidisciplinaires, il a
développé une activité artistique intense da ns
les domaines les plus variés - il a été
peintre,
décorateur,
dessinateur,
écrivain (en particulier poète) en plus de
développer une importante activité dans des arts appliqués comme
l’ébénisterie, la verrerie, la forge artistique en fer.
C'est pourquoi il est considéré comme l’un des plus
importants artistes de l'Art Nouveau Catalan et, en plus, comme le meilleur
dessinateur graphique de ce mouvement artistique.
Il a fondé un atelier d'ébénisterie, il a réalisé des meubles en obtenant
pour ses créations dans ce cadre la médaille d'or
de l'Exposition Universelle de Chicago, des vitraux, des fers artistiques,
etc., et il a créé une école de graphisme, cadre dans lequel il faut
remarquer ses
affiches et
ex-libris. Il a illustré de nombreux
livres et revues.
Son prestige énorme se reflète dans les mots que lui consacre son ami Eugeni
d'Ors i Rovira, qui reconnaît son importante contribution artistique. Il dit
:"À Riquer, tout le pays lui doit estime et respect. Parce qu’il a été l’un
des hommes de la plus haute valeur. Une génération complète a reçu, par son
libre magistère, les nouvelles et les documents de l'Art Nouveau. L'atelier
de derrière la cathédrale, avec ses collections de belles choses, a
constitué pendant de nombreuses années notre École, notre seule École,
généreusement ouverte à la curiosité et à l'enthousiasme des jeunes. De la
même manière que nous appelons Maragall "l'Enseignant essentiel en Gai
Savoir", nous pourrions appeler Riquer notre Maître essentiel en Art
nouveau. Nous tous lui devons pour cela une haute gratitude. Je suis ravi de
lui rendre aujourd'hui publiquement hommage "(Eugeni d'Ors - Glosari -
février 1911).
L’évolution artistique:
Du point de vue de son évolution artistique, Eliseu Trenc, le plus
grand spécialiste d’Alexandre de Riquer, distingue trois périodes bien
différenciées :
- Une première période liée à l'esthétisme, aussi appelée
pré-modernisme, basée sur une esthétique éclectique dans laquelle se mêlent
des éléments réalistes et d'autres traditionnels. Cette période va de 1880 à
1894.
- Une seconde période, déjà pleinement Art Nouveau, qui représente
l'étape centrale de son œuvre et qui coïncide avec la période de diffusion
maximale et de plus grand succès de ce style, entre 1894 et 1906.
- enfin, la dernière étape qu'Eliseu Trenc définit comme "le panthéisme"
et qui va de 1907 à son décès en 1920.
Second mariage:

En
1911, Riquer se marie à Oloron Sainte Marie (France) avec l'écrivaine
française Marguerite Laborde, connue en littérature sous le pseudonyme
d'Andrée Béarn, avec laquelle il aura des relations instables en raison de
problèmes avec ses fils.
Avec Marguerite, il voyage en Castille, à Ibiza, en Andalousie et à
Majorque, en cherchant l'inspiration pour une œuvre artistique qui se
concentre à partir de ce moment presque exclusivement sur la peinture, et
plus spécialement sur les paysages.
Il réalise au cours de cette période une importante quantité d'expositions
individuelles et collectives dans diverses villes. Celles qu'il fait à
Barcelone au Salon Reig (1914), au « Fayans Català » (1915), à la Salle
Parés (1915) et à "Prats-Fatjó" (1918) sont particulièrement remarquées.
Les
dernières années:

En 1919, "le Cercle Équestre" de Barcelone le charge de la
décoration d'un livre luxueux relié avec de riches gemmes en hommage à un de
ses présidents, commande que Riquer ne peut terminer avant son décès. Le
dessinateur Saurí Sires la terminera.
Dans les catalogues de ses expositions de 1920, l'artiste publie un résumé
de ses conceptions esthétiques, qui représ entent
aussi son testament littéraire sous le titre de
Credo.
Collectionneur et bibliophile, il développe une activité très intense dans
ces domaines : ainsi, sa collection d'objets en fer forgé et en verre ont
une importance historique, car elles sont la base sur laquelle
Santiago Rusiñol, qui l'a achetée à Riquer, put développer sa collection
du
Cau Ferrat de Sitges.
Sa collaboration avec la revue "Luz" fut motivée par son désir de chercher
un équilibre entre les différents courants dans l'Art Nouveau Catalan,
spécialement entre les conservateurs représentés par les artistes du "Centre
Artístic de Sant Lluc" comme les frères
Joan et
Josep Llimona, et les plus radicaux et innovateurs du groupe de Sitges
comme Rusiñol, Casas, Utrillo et
Casellas.
En 1900, il fonde la revue "Joventut", à laquelle il collabore par la suite
en qualité de directeur artistique.
En tant qu’écrivain, Alexandre de Riquer, avec Santiago Rusiñol et Adrià
Gual, montre son intérêt pour l'exploration du potentiel du symbolisme en
langue catalane.
Alexandre de Riquer meurt à Palma de Mallorca le 18 novembre 1920.
En pensant à sa première jeunesse à Bassols, à son premier amour, à la
nature de son pays qui fut sa dernière passion, et à l’approche de sa mort,
il consacra à la Ville de Palma de Majorque ce poème « Credo » (déjà
mentionné plus haut), qui est un résumé poétique de ses idées artistiques et
vitales :
CREDO: |
Jo crec en los colors,
en que los colors canten,
ab l’esplendor dels cadmiums brillants d’un bell mitj-dia:
me subjuguen les formes sorpreses y m’encanten
les transparencies tenues com vaga melodia
o el sol de Juny qu'esclata armonic i vibrant:
en ell, atmiro a Deu, atmiro la Natura
y un amedller florit, un'admosfera pura
me'l fan sentir mes bo, me'l fan trobar mes gran.
Jo visc cara
a la llum com fan els girassols
y crec en mi mateix, crec en l'Art expansiu
que calma la mev'ansia fentlo per mi tan sols,
perque han florit los prats, perque som al istiu,
perque tot fa remor, tot germina, tot viu;
perque y han verts riquissims endalt de la pineda
y apareixen intimes les ombres misterioses
ahont viuen les fades de formes voluptuoses.
Jo crec
perque'l parral, la prada o la roureda
son tendres, son hermoses y fines de color;
jo crec perque una rama s'encen com un llum d'or
perque vibra en lo cingle la roca assoleyada,
perque entr'els blats tendrals floreixen les roselles,
perquè sirisa'l mar del sol de la vesprada,
perque l'ombra del bosc nos guarda meravelles
y es profon la cala y es verda l'onada.
Crec en la
Veritat de plastica armonia,
en respirable espay distancies y llum,
en lo sublim encant de pau que te un bell dia
i en la vida qu'es Bellesa, en l'Art qu'es son perfum.
|
Je crois aux
couleurs, dans lesquelles les couleurs chantent
avec la splendeur des cadmiums brillants d'un beau midi:
les formes surprenantes me subjuguent
et les transparences ténues me
ravissent comme une vague mélodie
ou le soleil de Juin qui éclate harmonique et vibrant:
en lui, j'admire Dieu, j'admire la Nature
et un amandier fleuri, une atmosphère pure
me font le sentir meilleur, me font le trouver plus grand.
Je vis face à
la lumière comme font les tournesols
et crois en moi même, je crois en l'Art expansif
qui calme mon anxiété, le faisant pour moi seul,
parce que les prés sont fleuris, parce que c'est l'été,
parce que tout est murmure, tout germine, tout vit;
parce qu'il y a des verts très riches sur la pinède
et apparaissent intimes les ombres mystérieuses
où vivent les fées de formes voluptueuses.
Je crois parce que la treille la
prairie où
la chênaie
sont tendres, sont belles et finement colorées;
je crois parce qu'une branche s'allume comme un feu d'or
parce que le rocher ensoleillé vibre au précipice
parce qu'entre les blés tendres fleurissent les coquelicots,
parce que la mer s'irise avec le soleil du crépuscule
parce que l'ombre de la forêt nous réserve des merveilles
et la crique est profonde et l'onde est verte.
Je crois à la Vérité
d'harmonie plastique,
en de respirables espace, distances et lumière,
au sublime enchantement de paix par une belle journée
et en la vie qui est Beauté, en l'Art qui est son parfum.
|
Alexandre de Riquer |
|